Jean Daniel (1655-1717), de Mauléon à Carhaix, le parcours d’un apprenti apothicaire

L’apothicaire est l’ancêtre du pharmacien.

La famille Daniel est une des rares dont on connaît avec certitude la présence à Mauléon dès le 17e siècle. Dans cette parentèle, on croise surtout des notaires. Marié à Marguerite Roche, Louis Daniel transmet sa charge de notaire à son gendre Jean Gouraud, lequel a épousé sa fille, Marie-Pélagie, vers 1735. Les trois fils issus de cette union rejoindront, en 1789, la cause révolutionnaire. L’un des ces jeunes hommes deviendra même l’un des principaux juges au tribunal révolutionnaire de Bressuire en 1793. Mais là n’est pas l’objet du propos, cet épisode ayant été développé par ailleurs.
(NOTE : Lire à ce sujet : « La Révolution Française à Châtillon » et « Les Guerres de Vendée à Mauléon »)

Le personnage qui nous intéresse à présent s’appelle Jean Daniel, fils de Perrine Marolleau. Sans doute était-elle veuve en 1680. On ignore le prénom du défunt mari et père mais le jeune homme avait un oncle qui s’appelait Jean. Ses grands-parents étaient prénommés Mathurin Daniel et Perrine Charron. Nous ne connaissons les professions ni des uns, ni des autres.
Le 22 juin 1680, lorsqu’il entre en apprentissage chez un apothicaire de Cholet, Jean Daniel est encore mineur. Il a fallu effectué les démarches pour l’émanciper et lui conférer ainsi les mêmes facultés que s’il était majeur. La majorité civile était à cette époque fixée à 25 ans, le jeune homme ne les avait donc pas encore.

Jean Daniel, à peine 25 ans donc, est accueilli dans l’établissement de François Chambault (1647-1706), 33 ans. Ce maître apothicaire a déjà pignon sur rue paroisse Notre-Dame à Cholet. Ce bourgeois est sans doute le fils de Jean et d’Anne Debry. Marié à Madeleine Girard, il a d’abord exercé à Vihiers avant d’aller s’installer à Cholet. Son frère, Louis, est menuisier à Saint-Hilaire-du-Bois et l’époux de Marguerite Martineau.

Le 22 juin 1680, la veuve Daniel et son fils passent un accord avec l’apothicaire choletais. Celui-ci s’engage à enseigner au Mauléonais l’art de la chirurgie et de la pharmacie. Il s’engage aussi à le nourrir et à le blanchir « du lever au coucher du soleil« , « et ce pendant tout le temps de deux années entières et consécutives. »
En contrepartie, l’apprenti s’engage à obéir à son maître et de lui payer pour cette formation 40 écus en argent plus la somme de « 10 livres pour épingles« .

Deux ans plus tard, Maître Chambault délivre une attestation à son apprenti certifiant que Jean Daniel l’a fidèlement servi pendant tout ce temps d’apprentissage et qu’il se déclare « satisfait de sa conduite et du paiement« .

(NOTE : La quittance date du 13 juillet 1692, ce qui ramène l’apprentissage à juin 1690, date plus plausible au regard de l’installation de Chambault, auparavant à Vihiers, à Cholet. Pourtant, le document original conservé aux Archives du Finistère est sans équivoque et indique bien la date de 1680).

Qu’advient-il ensuite de Jean Daniel ? Contre toute attente, il ne revient pas dans sa ville natale pour s’y installer. Il poursuit sa formation à Morlaix. C’est là qu’il termine ses études. A leur terme, il est envoyé devant les maîtres apothicaires de cette ville pour procéder à « ses interrogatoires et faire les autres actes requis et accoutumés« .

En 1694, études terminées, et après avoir eu quelques difficultés à récupérer des attestations de services signées de Chabrol, apothicaire de Madame de Guise, de Charmoy, de Bonnecampt et d’Ollivier, médecin de marine, il part exercer son art à Carhaix. Sans doute s’y installe-t-il de manière durable puisque ses papiers s’y trouvent en partie aujourd’hui, notamment le contrat d’apprentissage.

Une recherche dans les registres d’état-civil met sur la piste d’un dénommé Mathurin Daniel. Il se pourrait que ce soit notre Mauléonais même si le 3 juin 1704, jour de son mariage avec Jeanne Desjours à Carhaix-Plouguer dans le Finistère il est précisé qu’ils sont « tous les deux de cette ville ». Sa femme qu’aucun membre de sa famille n’accompagne ce jour important, signe d’un modeste « Ianne Deiour », dénotant un niveau d’instruction assez moyen.
Ce qui interroge d’abord c’est l’âge du marié. Il serait né vers 1652. Malheureusement ni la date, ni le lieu de naissance ne sont précisés, pas plus que l’identité de ses parents. Il n’y en a d’ailleurs aucun qui assiste au mariage alors que pour d’autres mariages survenues dans le même temps, les filiations sont bien précisées et les proches assistent à l’union.
On sait aussi que ce Mathurin Daniel décède à Carhaix à l’âge d’environ 65 ans en 1717. Cet homme avait donc approximativement 25 ans en 1680 au moment où, à Cholet, Jean Daniel entrait en apprentissage à ce même âge.
L’autre indice est le prénom. Le grand-père de Jean Daniel s’appelait Mathurin. De surcroît, Mathurin Daniel de Carhaix aura une fille en 1705 qu’il appelle du prénom de sa femme, Jeanne, auquel il ajoute le prénom Perrine, identique à celui de la mère de Jean Daniel de Mauléon : Perrine Marolleau.
Mathurin Daniel est qualifié de « maître » et d' »honorable » mais à aucun moment on le ne voit apothicaire, chirurgien, ou pharmacien. Il est marchand sans autre précision.

La descendance de Mathurin Daniel enfin ne nous apprend rien de plus. Il nous est donc impossible en l’état d’affirmer que Mathurin Daniel de Carhaix est bien le même homme que Jean Daniel de Mauléon, d’autant moins qu’un généalogiste, Joël Vandenbergue, attribue Julien Daniel et Julienne Lorans comme parents de Mathurin. Il est cependant le seul à avancer cette filiation sans préciser sa source, et ce couple Daniel-Lorans existe nulle part ailleurs.

Xavier MAUDET © 2020