Le dépôt de sels de Mauléon créé en 1664

Mauléon (en zone verte : dite franche) était située aux confins de deux zones de gabelle distinctes.
Source : image Gallica

Si la gabelle a été instituée au 14e siècle, le dépôt de sels de Mauléon n’existait semble-t-il pas encore à cette époque.
Le Poitou était une région dite « redimée ». En 1542, le roi Henri II, supprime les greniers à sel dans le Poitou. Un office de receveur avec 50 livres de gage est instauré. Pour être exempté de gabelle, la province avait payé en 1549 une bonne fois pour toute une forte somme au roi (200 000 écus d’or). Ses habitants bénéficièrent ensuite d’un sel détaxé. Ils pouvaient donc se procurer ce produit de première nécessité, utilisé surtout pour la conservation des aliments, sans avoir à acquitter la gabelle. Mais cette exemption de taxe applicable pour les Mauléonais n’était pas la règle pour tous ailleurs, notamment dans l’Anjou voisin.

Cette Carte des gabelles montre les zones de Grande gabelle en blanc, les zones redimées en vert et les zones de Petite Gabelle où se produit généralement le sel (en rouge).

En 1578 est créé le grenier à sels de Cholet, ville située dans un secteur de grande gabelle (en blanc sur la carte) et donc soumise à la taxe. Entre Cholet et Mauléon existait donc une grande différence de traitement des individus ce qui engendrait le trafic de sel et la prolifération des faux sauniers.
« Le prix du sel pouvant varier de 1 à 60 de part et d’autre des frontières, le faux-saunage, c’est-à-dire la contrebande, sera une activité dangereuse mais rémunératrice » explique Jean-Paul Dumont dans un article sur la Gabelle (NOTE : Les Carnets du Brham, 2008)

Pour remédier au trafic, il est décidé un siècle plus tard de mieux mailler le territoire et d’installer des dépôts de sels au plus près des villes de grande gabelle, notamment de Cholet.
A cet effet, la cour des Aides de Paris nomme par arrêt du 18 juillet 1664, un magistrat, membre de cette cour, Le Camus pour régler sur le terrain ces problèmes de gabelle. Le Camus se déplace à Thouars. Il entend les habitants des villes et paroisses situées 5 lieues aux alentours (20 km) et limitrophes du pays de gabelles désignées par l’adjudicataire. Le 17 janvier 1665, il désigne toutes les villes situées dans les 5 lieues et fixe les dépôts à établir. Le Camus nomme aussi un juge dans chacun des lieux, notamment à Mauléon, pour connaître, en première instance et « sauf l’appel en la cour des aides de Paris », des contraventions aux règlements.
C’est à compter de cette époque que la juridiction de Mauléon dispose dans son ressort des dépôts de Mauléon mais aussi celui de Mortagne et de Tiffauges.

En 1710, Mauléon est « un dépôt de la direction d’Anjou ». Il comprend dans son ressort les paroisses de Mauléon, Saint-Jouin sous Mauléon, Rorthais, le Temple de Mauléon, Saint-Aubin-de-Baubigné, Moulins, Saint-Pierre-des-Echaubrognes, La Petite Boissière, les Aubiers, Nueil-sous-les-Aubiers, Combrand, La Chapelle-Largeau, Treize-Vents, Malièvre et Saint-Amand-dur-Sèvre selon l’ordonnance signée de Le Camus en date du 27 janvier 1665.

En 1764, on lit encore dans les Almanach qu’il y a un « grenier à sel » à Châtillon-le-Château.

Jean-Paul Dumont pense que Pierre Verdon, dont le père, Simon Verdon (1570-1617) était contrôleur au dépôt de sels de Cholet, a été le premier président de ce dépôt des sels de Mauléon. Cette famille Verdon était angevine. Ils sont venus s’installer dans le Bas-Poitou à la faveur des évolutions administratives que connait la région depuis le milieu du 16e siècle, notamment avec l’installation d’un siège d’élection.
En 1638, Pierre Verdon, seigneur de la Cantinière (Les Cerqueux) et de Puy-Louet (Les Aubiers) occupait bien un poste de président, mais il s’agit de président de l’Election de Mauléon, administration différente de celle du dépôt de sels lequel, à sa mort en 1665, était à peine créé. Il tenait sans doute ce poste de président de l’élection de son beau-père présumé, Charles Lelièvre.
Rien d’impossible toutefois à ce que Pierre Verdon soit aussi président du dépôt de sels de Mauléon puisque les frères de Pierre occupaient aussi des fonctions clé dans le secteur. René était receveur des décimes du diocèse, Simon était receveur des tailles de l’élection de Mauléon.

Le lien entre le grenier à sels de Cholet et celui de Mauléon peut être établi par la famille Jouault de Saint-Jouin. A la fin du 17e siècle, Marie Jouault est l’épouse de Louis Gauvriet, grainetier au dépôt de Cholet. En 1686, veuve, elle épouse le contrôleur de cet établissement, Jacques Trancart. Le neveu de Marie Jouault, Charles Bonnaud, est président du grenier à sel de Cholet en 1696. Plus tard, on croise Jean Durant de la Pibolière, fils de Charles Durant de la Patelière, comme contrôleur au grenier à sel de Cholet.

A Mauléon, la question qui se pose est de savoir s’il y avait un unique président pour le dépôt de la ville ayant juridiction sur ceux de Mortagne et de Tiffauges ou bien un président pour chaque dépôt ou encore un pour Mauléon et un pour Mortagne-Tiffauges.

Si, comme nous le pensons, il n’y en avait qu’un pour les trois sites, on peut établir la chronologie suivante :

Président :

Charles Favreau (né vers 1666) : qualifié de président des dépôts de Tiffauges et de Mortagne
Jacques Gillebert (vers 1700) : président du dépôt de Mauléon
Claude Denis du Chiron (vers 1720) : idem
Jacques Hillerin (de 1746 à 1760) : idem
René Merland (vers 1770) : président du grenier de Mortagne, Tiffauges
Victor-Gabriel Chauvière de La Pagerie ?
Perreau du Plessis (vers 1780)

Procureur :

Boudet (jusqu’en 1793) : Tiffauges, Mortagne. Boudet était l’époux de Marie-Francine Favreau.

Contrôleur :

Louis Rillé (1708)
Alexis Cousseau (jusqu’en 1793 ?)

Huissier

Pierre Vavasseur (vers 1760)

En 1702, Louis Chauveau, sieur de Tournelay, beau-père d’Aymé Jouault, est commissaire notificateur des rôles et états pour la distribution du sel de la paroisse de La Petite-Boissière.

Où se trouvait le dépôt de sels de Mauléon ? On sait qu’une tour grenetière existait au château. Cette tour jouxtait un bâtiment carré et était encore bien visible au début du 20e siècle avant son écroulement et son effacement définitif. La tour grenetière a servi aussi de prison, en particulier pour y emprisonner de faux sauniers.

Jean Turpault des Aubiers est marchand au grenier à sel de Châtillon vers 1740. La même année, Jacques Thibault, est employé dans cet établissement.
Trente ans plus tard, Pierre Pichault (ou Puichault ?) est fournisseur de ce même dépôt. Avec son épouse Jeanne Péridy, il habitait le quartier de Bourneau. Il sollicite alors la propriétaire d’une maison située rue Saint-Pierre et qui abrite déjà le siège de l’Election pour utiliser les caves comme dépôt. Le 14 août 1771, l’acte est conclu contre un loyer annuel de 66 livres payable à la Saint-Georges et un gâteau de 40 sous donné à chaque fête des Noix.

Faux sauniers :

Le 2 décembre 1681, le tribunal du grenier à sel de Mauléon condamne Simon Froget, né à Mauléon vers 1626, homme de « taille moyenne aux poils chastains » à passer trois ans au bagne pour faux saunage. Il est emprisonné sous le numéro matricule 5199. La « chaine de Bretagne » conduite par Marrion et à laquelle Simon Froget est attaché arrive à Marseille le 19 mai 1682. Il passera bien plus de trois ans au bagne. Il en sort le 4 mai 1686 et est envoyé en Amérique.

Xavier MAUDET © 2020