Le Choletais Tessié du Motay, inventeur et terroriste

Nul n’est prophète en son pays. C’est peut être ce que s’est dit un jour Cyprien-Marie Tessié du Motay (ou de la Motte) dont l’historiographie locale n’a pas retenu le nom. Entre sa naissance à Cholet en 1818 et son décès en 1880 à New-York, ce Choletais aura pourtant connu une vie aussi riche que palpitante, parfois aussi, fort aventureuse.

A Cholet, son père, dont la famille était originaire du Saumurois, n’est pas n’importe qui. Epoux de Victoire Virginie Tharreau de la Brosse (fille de gros négociants en toiles et mouchoirs de Cholet), Cyprien Tessié-Tharreau a été nommé maire de Cholet de 1830 à 1838. Il sera mystérieusement assassiné par un homme de 19 ans le 29 mars 1838 à l’hôtel de Danemark à Paris où il avait coutume de descendre pour ses affaires.

Cyprien Tessié du Motay (1818-1880)

Un an plus tard, son fils alors âgé de 21 ans, peut être ébranlé par l’assassinat au couteau de son père, déposait un brevet pour perfectionner les fusils destinés à la chasse et à l’armée ! Le Choletais proposait un nouveau procédé pour charger une arme à feu par la culasse « se composant d’une platine intérieure renfermée dans le bois même du fusil, montée sur une sous-garde fixe en fer, et ne comportant que trois pièces principales ». Nous n’avons pas connaissance que cette invention ait fait des étincelles. Mais le jeune Choletais n’a manifestement pas qu’une cartouche en réserve.

Il poursuit ses réflexions et étudie la propulsion par air comprimé. Il travaille même à la construction d’une locomotive à Cholet. En 1839, il est attiré par les travaux d’un homologue ingénieur, Antoine Andraud. Il s’associe avec lui et tous deux poursuivent leurs recherches à Paris sur la propulsion des véhicules avec de l’air comprimé. En 1840, ils déposent un brevet pour un récipient capable de résister à de très fortes pressions. Leur première locomotive sera construite en 1841 et réussira à transporter 8 voyageurs sur plus d’1 kilomètre. Le 26 août 1844, les deux associés Arnaud et Tessié du Motay lancèrent sur la ligne Paris Versailles une nouvelle locomotive à air comprimé.

Fort de ces travaux, Tessié du Motay imagine aussi un tunnel sous la Manche équipé d’un système à air comprimé. Le riche Choletais ne s’arrête pas aux inventions. Il écrit aussi, des poèmes, et fréquente, dit-on, Hugo, Chateaubriand… Ami de Gérard de Nerval, le Choletais s’aventure aussi en politique et sera secrétaire de l’assemblée générale des actionnaires de la Démocratie pacifique.

Ce sont ses convictions politiques qui le propulsent dans la lumière, ou plutôt à l’ombre. Tessié du Motay participe à « l’Affaire du 13 juin 1849 » qui « avait excité au plus haut point l’intérêt de la France et même de l’Europe entière » écrit en 1850 Pascal Rhaye. Ledru Rollin et ses amis, opposés aux conservateurs et au gouvernement d’Odilon Barrot, regroupent des opposants, démocrates, républicains radicaux et socialistes, qui refusent l’envoi de troupes à Rome, pour soutenir le pape Pie IX, contre la jeune république romaine. Après une tentative de coup d’Etat, « Tessier-Dumotay » est accusé de complot et d’attentat. Il fait partie du groupe dit des « Condamnés de Versailles ». Jugé par contumace, il est d’abord condamné à mort puis à la déportation le 15 novembre 1849.

De Londres, il revient à Paris dès 1850 et poursuit ses travaux scientifiques. Il mène des recherches sur les gaz d’éclairage (brevet en 1865) et ses travaux lui valent de recevoir la légion d’Honneur des mains de l’empereur Napoléon III. Séjournant à Metz, il participera aussi à l’invention de la phototypie, un nouveau procédé d’impression. Invité par la ville de New-York en 1880 à qui il a vendu un brevet sur la distribution du gaz de ville, le Choletais Cyprien-Marie Tessié du Motay décède à l’âge de 62 ans. Une rue porte son nom. Pas à Cholet, à Metz…

Xavier MAUDET

Sources

« Les Condamnés de Versailles » par Pascal Rhaye, 1850.

Institut national de la propriété industrielle, brevets du 19e siècle

Geneanet, généalogie de Gilles Dementque

« Les Chemins de fer atmosphériques » Paul Smith, Revue des patrimoines, 2009

L’Ouest Eclair, 17 août 1920

« Fouriérisme, politique et chimères chez Gérard de Nerval », revue Romane 36, 2001

Figuier, « Les merveilles de la science », 1867-1891