Pélagie-Céleste était-elle la fille illégitime d’un duc ou d’un procureur ?
Depuis plus de 40 ans, Yves Maudet, référence historique du BRHAM pour de nombreux Mauléonais, cherche, fouille, rassemble, et partage. Parmi ses innombrables trouvailles se trouvent les papiers de Baudry du Plessis, le régisseur du duché-pairie pour le compte de la famille de Châtillon. Le document dont il est question ici se trouverait aux Archives nationales.
La liasse contient plusieurs éléments dont une quittance qui éclaire un peu la vie quotidienne de nos ancêtres. Ainsi, en 1786, une lingère nommé Louise Turpault, reconnaît élever aux frais de l’administration, une jeune fille au moins depuis 1781.
L’ « Etat général de dépenses d’une fille naturelle nommée Pélagie-Céleste » qu’elle paraphe en témoigne.
« Je soussignée Louise Turpault, lingère, demeurant au bourg de Saint-Jouin-sous-Châtillon, reconnait avoir reçu de monsieur Baudry Duplessy receveur du Duché la somme de 600 livres pour cinq années de pension et entretien d’une fille naturelle nommée Pélagie-Céleste étant à la charge du domaine du Duché, les dites cinq années échues au 31 décembre dernier. De laquelle fille naturelle je me suis chargée de la part dudit Sr Baudry à raison de 120 livres par an pour tout salaire pour la nourrir et vêtir d’habillement et linges et lui fournir généralement tout ce qui sera à son usage jusqu’à ce qu’elle ait atteint l’âge de quatorze ans, m’étant de plus engagée de lui faire apprendre à lire et à écrire et même lui montrer mon métier de lingère lorsqu’elle aura l’âge requis. Suivant le marché fait entre nous dont quittance pour les cinq années audit Châtillon le 24 janvier 1786. »
La signature Louise Turpault est d’une écriture différente et surtout moins assurée que celle du texte. Ce n’est assurément pas elle qui a rédigé la quittance mais plutôt le greffier ou Baudry du Plessis lui-même.
Qui peut être cette Louise Turpault ?
A cette époque, il n’en existe pas trente-six à Châtillon sur les 1200 habitants que nous avons identifiés. Il s’agit probablement de Louise Turpault née en 1755 à Saint-Jouin. Son père, Alexandre Turpault, est charpentier, sa mère s’appelle Perrine Jauzelon. Si Louise n’est pas connue comme lingère, sa soeur cadette Angélique (1767-1820) exerce cette activité.
Lorsqu’elle élève Pélagie-Céleste, Louise (1755-1835) est âgée de 30 ans. Elle n’est manifestement pas encore mariée. Elle n’épousera René Debry, maçon châtillonnais de 60 ans, qu’en 1803, à l’âge de 48 ans. Trop tard pour avoir un enfant ; nous ne lui en connaissons pas.
Le couple habitera plein centre, près des halles anciennes. A cette date du mariage, Pélagie-Céleste est présumée âgée d’une vingtaine d’années.
Enfant naturelle, nous n’avons, pour l’heure, aucune information la concernant. Tout juste peut on remarquer que Pélagie est le prénom portée aussi par la mère d’Alexandre-Pierre Baudry du Plessis. C’est peut être un hasard, mais ce prénom est par ailleurs fort peu porté à Châtillon. Et lorsqu’on croise une demoiselle Pélagie, il s’agit invariablement une fille de notable. A l’évidence le prénom est donné dans la bourgeoisie châtillonnaise. Quant au prénom Céleste il est encore moins courant à Châtillon. Là encore, il est choisi par les familles de notables.
Ce qui est aussi remarquable c’est d’avoir fait peser la charge du gîte, du couvert, de l’habillement et de l’éducation de cette enfant directement sur les comptes du Duché-Pairie, c’est à dire de la collectivité. Nous n’avons pas d’autres exemples. D’ordinaire, à cette époque, les orphelins sont soit pris en charge par des proches qui se font alors rembourser leurs frais sur les biens hérités des enfants. Soit pris en charge par les soeurs de La Sagesse à l’hôpital des indigents. Mais que le régisseur du duché-pairie se charge de conduire cette opération est, à notre connaissance, inédit.
On peut imaginer que Baudry du Plessis est le père de l’enfant. A moins que ce ne soit le prince de Tarente lui-même. Il est l’époux d’une des deux filles du duc de Châtillon, héritières de l’ancien-duché pairie du même nom. Si cette paternité semble plus logique, elle se heurte à un constat. La famille de Châtillon comme les gendres La Trémoille (prince de Tarente) et Crussol d’Uzès étaient très parisiens. Nous n’avons retrouvé aucune preuve ou trace de leur passage à Châtillon avant les guerres de Vendée.
Quoi qu’il en soit, des Pélagie-Céleste nées vers 1780, nous n’en trouvons pas à Châtillon après la Révolution. La demoiselle éduquée avec soin par Louise Turpault s’évapore après cette quittance datée de 1786.
Un métier : lingère :
Le terme de lingère désigne la personne chargée de l’entretien du linge et des vêtements. A cette époque c’est aussi celle qui confectionne des vêtements et du linge de maison et même de sa commercialisation.
Xavier MAUDET © 2020